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"Nous avons tous la mission de faire en sorte que le jour consacre a la shoah et a l'heroisme ne soit pas un jour de travail habituel, mais un jour ou nous rentrons tous a la maison, charges d'histoires et d'actions du passe, et que nous transmettons a nos familles et a nos amis. Alors seulement nous pourrons dire avec fierte et le coeur leger que nous avons fait ce que la generation des rescapes de la shoah nous a demande de faire : "nous n'avons pas oublie et n'oublierons jamais"".
 
 
Il y a un peu plus de 20 ans, j'ai pris sur moi, un peu par innocence, une mission, peut-etre la plus importante de ma vie mais surtout celle dont je serai fier toute ma vie. C'etait quelques jours apres qu'a l'ecole, en classe de 3eme, on nous ait demande de faire un travail sur nos origines (ndlr : 'avodat shorashim' bien connu en Israel, et tellement important). Le plus naturel pour moi aurait ete d'ecrire sur ma grand-mere, rescapee de la shoah dont nous, ses proches, ne savions presque rien de ce qu'elle avait vecu.
 
Malgre que ma grand-mere pretendait "qu'est-il possible d'ecrire sur moi ?" Je me suis installe chez elle, arme d'un petit enregistreur et je lui ai dit : "viens, on commence". Nous nous sommes assis dans un coin de la cuisine, avec entre nous, deux verres de the, et nous avons commence du debut, de son enfance a Cracovie, de l'histoire de ses parents, de ses soeurs et ses amis, et sans nous en rendre compte nous sommes arrives en enfer, un enfer qui encore aujourd'hui ne m'accorde aucun repos.
 
יעקב ברזילי מספר לנכדו

Nous avons parle pendant deux jours entiers. Moi je posais des questions et elle me repondait avec une voix monotone et seche ce qui lui etait arrive, comme si elle parlait de quelqu'un d'autre. Elle a raconte la separation d'avec sa famille alors qu'elle avait 15 ans, les fuites du ghetto, la cruaute du commandant du camp de concentration de Plaszow, la musique de parade qui sortait des haut-parleurs de la cour, la vue des ses amies dessechees et mortes a cote d'elle, l'idee de son pere assassine a cause de quelqu'un du camp qui a essaye de s'echapper, son frere qui est mort du typhus, la famine a Auschwitz et le froid polaire polonais. J'ai ete le premier a entendre son histoire en entier.
 
"Continuant comme d'habitude, comme s'il ne s'etait rien passe"
 
Depuis ces jours-la, 'Yom hashoah' est devenu un jour particulierement charge, mais apres des annees d'ecole, l'ecole et l'universite, au sein desquels il y avait des ceremonies dediees a la shoah, particulierement importantes et emouvantes, je me suis retrouve au travail, debout en entendant la sirene, puis assis de nouveau continuant comme d'habitude, comme s'il ne s'etait rien passe.
 
Cela nous a pris plusieurs annees pour que nous organisions dans nos bureaux une reunion speciale apres les sirenes de 'Yom hashoah'. Pas une autre reunion de travail, mais une reunion du souvenir. Au debut, nous nous taisions, mais au fur et a mesure chacun a commence a raconter le sens qu'avait pour lui 'Yom hashoah'.
 
Nous etions un groupe d'une vingtaine de personnes, jeunes majoritairement, et nous parlions de la shoah, des histoires entendues a la maison ou de nos amis, de l'ecole, du voyage en Pologne et meme des histoires emouvantes d'amis de travail qui sont nes de parents rescapes de la shoah, et qui ont fait face pendant des annees a la douleur, sans pour autant en parler.
 
Des annees apres, cette reunion est devenue une tradition dans la societe, tous ont fait en sorte d'y arriver. Et pourquoi pas apres tout ? Tout comme nous avons l'habitude de feter ensemble Rosh hashana, Pessah et les anniversaires, cette reunion consacree a la memoire est devenue une tradition au bureau. Certains sont rentres a la maison, dans leur famille et ont commence a s'interesser un peu plus a la shoah et a poser des questions, a chercher. 'Yom hashoah' n'est deja plus un jour de travail comme les autres, il est devenu un jour special.
 
"On se tient debout, on se souvient et on parle"
 
Il y a trois ans, comme partie des activites de 'l'association des generations a venir' dont je fais partie - association qui reunit les enfants de la deuxieme et troisieme generation des rescapes de la shoah, cette association a decide de faire en sorte de transmettre la memoire familiale aux generations a venir - nous avons decide de diffuser cette idee de creer un evenement particulier consacre au souvenir sur le lieu de travail pour le jour de la shoah, et de le nommer : "On se tient debout, on se souvient et on parle".
 
 

Au debut, nous avons mis en ligne des histoires et du contenu en ligne sur un site special ( ICI ), et un an apres nous avons commence, en collaboration avec 'Yad vashem', a former les responsables des ressources humaines pour qu'ils sachent comment organiser 'Yom hashoah' sur leurs lieux de travail.
 
A ce jour, plus de 100 responsables de ressources humaines ont ete formes, et sur le site internet, on peut trouver plusieurs dizaines d'histoires et de propositions d'activites et de films. Et le plus important, de nombreuses societes, petites ou grandes, organisent une ceremonie speciale pour le jour de la memoire.
 
Je pense que dans quelques annees, la ceremonie du souvenir ne suffira plus. La generation des refugies de la shoah va disparaitre, et leurs histoires se deteindront et s'oublieront, les programmes de television changeront et nos enfants vivront dans un monde ou il sera facile pour les negationnistes de dire que la shoah n'a jamais existee. Et la sirene ? Qui se souviendra ce qu'elle veut dire ?
 
Traduit de l'hebreu par David Goldstein pour Haabir-haisraeli.
Tag(s) : #Shoah
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