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Dans le cadre du cycle d'études organisé par le campus francophone d'Israël, à Netanya, le docteur Tsvia Walden a pris la parole, le temps d'une conférence menée avec le dynamisme et l'humour qui la caractérisent. Directrice de l'Unité de travail social de l'université Ben Gourion du Néguev, elle est la mieux placée pour traiter du délicat problème de la violence des adolescents.

 

 

Les yeux de la société tout entière sont braqués sur la jeunesse. De tout temps, et dans toutes les cultures, elle représente l'avenir. Les responsabilités qui lui incombent en sont d'autant plus grandes ; voire pesantes. "Ô jeunesse, jeunesse ! Je t'en supplie, songe à la grande besogne qui t'attend", écrivait Zola en 1897, alors que la France est déchirée par l'affaire Dreyfus. "Nous ne te demandons que d'être encore plus généreuse, plus libre d'esprit, de nous dépasser par ton amour de la vie normalement vécue, par ton effort mis entier dans le travail, cette fécondité des hommes et de la terre qui saura bien faire enfin pousser la débordante moisson de joie, sous l'éclatant soleil. Et nous te céderons fraternellement la place, heureux de disparaître et de nous reposer de notre part de tâche accomplie, dans le bon sommeil de la mort, si nous savons que tu nous continues et que tu réalises nos rêves."

 

 

L'écrivain ne confie pas ses espoirs aux autorités en place, il n'interpelle pas les services sociaux, ni les enseignants ou autres psychologues, remarque Tsvia Walden. C'est la jeunesse que Zola appelle à l'aide. C'est d'elle que doit venir le salut de la société.

 


Cette conception, avec ce qu'elle a de romantique et de romanesque, permet d'apercevoir le malaise qui guette. Difficile pour les adolescents de trouver leur place, entre désir d'évasion et diktat social. Pour la spécialiste, aucun doute : le jeune qui boit, fume ou détruit cause des dégâts énormes. Mais surtout, mi-enfant, mi-adulte ; ou ni-enfant, ni-adulte : il se cherche. L'étymologie même du mot "nahar", "jeune" en hébreu, traduit ce besoin.

 

Fait intéressant que la professeure de psycholinguistique se plaît à mettre en lumière : "nahar" est de la même racine que le verbe "lehitnaher", littéralement "se débarrasser". A l'adolescence, le jeune cherche à se débarrasser de ses contraintes. Il se "secoue" et cherche à se défaire du joug de la société, du poids des conventions et de l'autorité parentale ; parfois via un acte de violence ; un geste antisocial.

 


Selon les cultures et les pays, l'âge de la jeunesse varie.

 

En Israël, la frontière est bien mince entre les deux mondes. A 14 ans, le jeune est sous la tutelle de ses professeurs ; à 18 ans il sert dans l'armée. L'Etat hébreu confie une responsabilité énorme à ses adolescents. Et leur impose des contraintes que bon nombre de pays ne connaissent pas. En France, le service militaire se résume désormais à une journée d'appel national dans des bureaux chauffés. Les Israéliens donnent trois ans de leur vie à leur pays, à l'âge où d'autres hésitent entre deux filières universitaires.

 

 

D'eux dépendent la survie de l'Etat et la pérennité du peuple juif. Du jour au lendemain, leur vie bascule, et tout ce qu'ils ont connu change. De nouvelles responsabilités naissent dont ils ne se déferont plus jamais.

 

 

Le système scolaire fautif ?

 

Pour Tsvia Walden, le système scolaire israélien n'offre pas les conditions nécessaires au bon développement de l'enfant. Treize heures sonnent la fin des cours, les journées d'étude sont courtes et les classes bondées. Les institutrices sont dépassées et incapables d'accorder à chaque élève l'attention qu'il mérite. Si l'un d'eux se sent rejeté, il tente de se distinguer d'une autre façon : parfois par un signe de détresse souvent mal interprété.

 

 

 

Pour rompre ce cercle vicieux, la charismatique fille du président Shimon Peres évoque une initiative qui lui tient à cœur. Depuis peu, elle est vice-présidente de l'association Bait Ham. Son but : donner une chance à tous les jeunes en difficulté. Mettre à leur disposition un espace où se reconstruire et combattre le sentiment d'abandon qui les mine. "Il faut leur redonner confiance : en eux-mêmes et dans les autres", clame-t-elle. "Il faut stimuler les jeunes qui se sentent dévalorisés ou inutiles pour qu'ils retrouvent dans de nouvelles activités une image positive et créative d'eux-mêmes. Favoriser l'émergence d'un lien nouveau entre le jeune et l'adulte, fondé sur l'écoute et le respect mutuel, où ils apprennent à s'apprécier et à se reconnaître."

 

La spécialiste aux nombreuses casquettes s'enthousiasme, et explique le concept : un dispositif d'accueil dans des clubs, "des lieux de vie pour adolescents", né en 1980 à Jérusalem. Le maire de l'époque, Teddy Kollek, appelle à mettre sur pied une structure pour jeunes.

 

L'année suivante, le premier local Bait Ham ouvre ses portes dans le quartier défavorisé d'Ir Ganim de la capitale. En 1990, un réseau de six clubs est en place : deux pour les jeunes de 8 à 13 ans ; et quatre pour ceux plus âgés de 13 à 18 ans. Avec un seul défi : créer un centre de formation d'éducateurs psycho-sociaux pour répondre à ce nouveau développement. Des écoles de musique, de théâtre, de danses et de sports s'ouvrent progressivement pour contenter les participants. En 2007, l'association gère 18 maisons de jeunes, réparties du nord au sud du pays.

 

 

Surtout, elle offre une voix à une tranche de la population délaissée. Les jeunes souffrent du lien social qui les harcèle et les désoriente. Leurs plaintes résonnent autour d'un axe central, ils se sentent "rejetés", "sans avenir", "dans une impasse". Bait Ham tente une approche thérapeutique afin qu'ils puissent répondre à leur angoisse de vivre dans un non-lieu, une non-reconnaissance, un vide existentiel. Pour cela, le lieu est doté d'une loi fondamentale : il est interdit d'exclure.

 

En revanche, il permet d'épancher ses peines ; d'énoncer ses projets de vie et d'éprouver le poids de la parole. Car la clé, insiste Tsvia Walden : c'est l'écoute.

 

http://fr.jpost.com/servlet/Satellite?cid=1297325543735&pagename=JFrench%2FJPArticle%2FShowFull

 

Tag(s) : #Culture
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