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Michel Kichka est un des meilleurs dessinateurs et illustrateurs d'Israel. Il nous a invite dans son atelier et nous a montre un apercu surprenant du processus de creation de sa derniere bande dessinee nommee : 'Hador hasheni' ('La deuxieme generation'), qui est son histoire personnelle basee sur la vie apres la shoah. "La bande dessinee c'est elle qui te choisit tous les jours", raconte t-il, "et avec l'aide de quelques crayons il est possible d'aller jusqu'au bout du monde".

 

צילום: אוהד צויגנברג

 

"La bande dessinee c'est elle qui te choisit tous les jours, toi tu aimes tout simplement beaucoup ca", raconte le dessinateur Michel Kichka. "Ma premiere pulsion est d'ecrire. Je ne prends pas vraiment une feuille blanche pour lui faire un cadre, la delimiter avec des cases et commencer a dessiner. Pour dessiner une bande dessinee tu dois tout d'abord savoir quelle est l'histoire que tu veux raconter, du debut a la fin".

 

Michel Kichka est un des meilleurs dessinateurs et illustrateurs d'Israel. Il est ne en Belgique en 1954, et est fils de rescapes de la shoah. Sa jeunesse en Belgique a coincide avec l'age d'or de la bande dessinee classique. Des personnages comme Lucky Luke, Tintin, les Schtroumpfs et Asterix sont ses amis et lui ont rempli l'esprit. "J'etais un mordu de la bande dessinee belge", nous raconte t-il dans son atelier de Jerusalem.

 

Alors comment cree t-on un personnage de bande dessinee ? le dessinateur Michel Kichka raconte comment il a decide de dessiner le personnage de son pere dans son livre 'Hador hasheni'. Avec des moustaches, des lunettes, une tete ronde et un petit sourire, mais aussi avec les outils magiques de la bande dessinee : le crayon et le stylo.

 

"Je savais que je ferais moi-meme de la bande dessinee quand je grandirais. Mon pere aurait voulu etre dessinateur, ce qui n'est pas arrive a cause de la guerre, alors apparemment c'est dans mes genes. Le premier livre de prose que j'ai lu c'etait a l'age de 12 ans. Jusqu'a cet age la je ne connaissais et ne lisais ques des bandes dessinees. Les bandes dessinees de cette periode etaient pleines d'histoires, d'aventures et d'humour, et mon monde imaginaire vient de la".

 

Depuis son enfance en Belgique, Michel Kichka a beaucoup fait pour la bande dessinee israelienne. Il a fait son Alyah en 1974, a etudie a Bezalel (ou maintenant il enseigne la bande dessinee) et rapidement il est devenu un dessinateur tres connu en Israel. Depuis ces dernieres annees il a illustre des dizaines de livres pour adultes et enfants. Il a publie la bande dessinee 'Mister T' dans le magazine pour enfants 'Masheou', et ses posters humoristiques, pleins de details qui montrent la vie quotidienne en Israel et dans le monde, ont connu un grand succes. Cette annee sont premier roman graphique a ete publie, 'Hador hasheni - dvarim shelo siparti leaba' ('La deuxieme generation - les choses que je n'ai pas raconte a papa'), une bande dessinee autobiographique sur l'enfance de Kichka dans l'ombre de son pere, rescape de la shoah.

 

Ecrit au crayon

 

Pour finir son livre, 'Hador hasheni', Michel Kichka s'est enferme dans son atelier pendant un an, et a part pour donner ses cours a Bezalel il n'est pratiquement pas sorti de sa maison. "J'ai travaille 12 a 18 heures par jour, comme si j'avais ete en transe, et pour moi ca a ete un vrai defi professionnel, j'ai du aller jusqu'au bout. Je ne voulais pas que cela s'arrete, l'ecriture de ce livre a ete pour moi un veritable voyage interieur, personnel et dans le temps".

 

צילום: אוהד צויגנברג

 

Au niveau technique de travail, Michel Kichka a commence par des illustrations en noir et blanc uniquement. Avec sa premiere ebauche il s'est rendu en France pour avoir l'avis d'editeurs de bandes dessinees. Quand il leur a explique que les illustrations etaient en cours de finalisation et qu'elles seraient mises plus tard en couleur, ils l'ont convaincu de rester sur du noir et blanc, parce que ce procede etait tres bien pour son livre.

 

צילום: אוהד צויגנברג

 

"Toutes les images de mon enfance et de la periode sur laquelle je me suis base sont en noir et blanc, des images de rues jusuq'au camps d'extermination. Cela n'aurait pas ete une bonne idee de rajouter de la couleur a ce livre. Les dessins ont ete enrichis d'une grande variete de nuances et de gris, et je suis tombe amoureux de ce nouveau langage. A cote de mon histoire personnelle et de mon voyage interieur, j'ai aussi eu une nouvelle aventure en couleur. Je n'ai pas respire pendant un an, comme un plongeur hypnose par une lagune bleue j'ai travaille sur ce livre sans prendre d'air. En general je suis bon au 100 metres, j'ai ecrit beaucoup de bandes dessinees courtes, mais c'est la premiere fois que j'ecris un roman graphique, qui s'apparente plus a une course de longue distance".

 

Alors comment fait-on une bande dessinee ? Le monde selon Kichka

 

Comment nait une bande dessinee : "ceux qui ne connaisssent pas ce domaine ont l'impression que les gens dessinent, mais en fait nous racontons des histoires. Nous devons nous construire un monde dans la tete, puis l'illustrer visuellement. Alors tout d'abord j'ai commence avec l'ecriture. Quand l'histoire etait ecrite je l'ai mise en dialogues et en textes. Les parties les plus fortes sont devenues des parties centrales de l'histoire. Ce n'est qu'apres cela que j'ai cherche a creer les personnages et travailler sur leur apparence. C'est en fait la le stade des croquis et des recherches. Au final tous ces elements la s'organisent ensemble, pieges dans leur bande dessinee. Si un realisateur de films peut programmer un film avec un story-board, et toutes les scenes peuvent etre filmees plusieurs fois, dans une bande dessinee chaque case doit etre tres precise".

 

צילום: אוהד צויגנברג

 

D'ou vient l'inspiration ? "Dans 'Hador hasheni' j'ai decide de parler de moi et de ma vie. Je me suis dessine a l'aide de mon imagination, et mon personnage ressemble moins a ce que je suis qu'a la facon dont je me percois. Je pense que le resultat visuel me ressemble plus que mon personnage reel. Mais en plus de l'imagination, qui est tres importante, il y a aussi les references et la memoire visuelle qui m'ont aussi beaucoup servi pendant le processus de creation. Voila les trois elements dont je me suis servi. J'ai utilise beaucoup de photos de moi, et d'autres personnages du livre, et j'ai dessine en m'en inspirant".

 

צילום: אוהד צויגנברג

 

Pour dessiner il faut des outils : "mes outils de travail sont tres simples : un portemine, une gomme et un pinceau japonais, qui donne des effets tres similaires a ceux d'un stylo-plume. Mon materiel dans son entier n'atteint pas la somme de 100 shekels, et avec ca je peux arriver au bout du monde et en revenir - en bande dessinee".

 

Des croquis et encore des croquis : "l'histoire commence donc par du texte. Apres ca je fais des croquis sur une feuille A3 partagee en 4. Chaque partie est consideree comme une page. Je fais deux croquis, et apres analyse je choisi le meilleur".

 

"Puis je travaille sur ce croquis avec de l'encre et sur une table lumineuse, et je fais le travail final : je reporte mon dessin sur une feuille de bonne qualite. Si l'histoire est claire dans ma tete, c'est avec les croquis que j'en realise la composition, et on peut voir qu'en fait les croquis sont tres proches de ce que l'on retrouve dans le livre. Pour moi les croquis sont comme une repetition generale avec de vrais acteurs, maquilles et costumes - et avec eux je m'occupe de tous les details".

 

צילום: אוהד צויגנברג

 

 

צילום: אוהד צויגנברג

 

Une photo qui devient un dessin et redevient une photo : "l'action de mon livre se deroule en Belgique, pendant mon enfance, car mon adolescence je l'ai vecu en Israel. Pour dessiner cette enfance je me suis servi des photos de nos albums de famille. La Belgique, la maison, moi et ma famille - tout le monde apparait dans l'album. Regarder ces albums photo ca a ete comme monter dans une machine a remonter le temps. J'ai fait un voyage en arriere grace a ces photos, et j'en ai tire tous les details qui m'ont aide a reconstituer l'ambiance de cette epoque. C'est pour cela qu'a un certain niveau c'est aussi une machine a remonter le temps".

 

צילום: אוהד צויגנברג

 

 

צילום: אוהד צויגנברג

 

 

La fiabilite, c'est ca le secret : "parce que mon histoire est illustree de maniere tres caricaturale, ca a ete pour moi tres important que l'ensemble ait une base reelle. Pour cette raison dans le livre il y a aussi de vraies photos d'Hitler, des camps de la mort, des affiches de rue et des voitures de l'epoque".

 

צילום: אוהד צויגנברג

 

"Quand la situation a l'air vraie, c'est toute l'histoire qui y gagne. Je ne fais pas de dessins realistes, et il n'y en a pas dans ce livre. Chaque dessin a ete fait avec beaucoup de reflexion, mais aussi avec beaucoup d'interpretation libre".

 

צילום: אוהד צויגנברג

 

Ne pas avoir peur d'etre expose : "l'histoire que je raconte dans cette bande dessinee est une histoire tres personnelle. En Israel, par ailleurs, il n'y a pas de senariste de bande dessinee. A l'etranger, dans l'industrie de la bande dessinee, il y a une equipe entiere qui travaille pour faire une bande dessinee : dessinateur, scenariste, encreur, coloriste,... C'est aussi pour cette raison qu'en Israel il n'y a pas d'industrie de la bande dessinee mais des gens qui font de la bande dessinee. Le choix par defaut de tout createur est d'ecrire pour lui-meme, ce qui donne des histoires tres personnelles. Il est peut-etre aussi dur pour les createurs israeliens, d'un point de vue mentalite, d'ecrire pour quelqu'un d'autre".

 

"Dans ce livre j'ai voulu parler de la deuxieme generation, parce que nous sommes la generation qui ne peut pas parler vraiment de la shoah en elle-meme, mais de la vie dans l'ombre des rescapes. J'ai choisi de parler de moi en tant qu'enfant, et du genre d'enfance que j'ai eu a la maison, une enfance qui ressemble a celle de beaucoup d'autres de cette epoque. Il semblerait que beaucoup de personnes se retrouvent dans mon histoire, et qu'apres avoir lu mon livre ils me repondent en m'ecrivant de nombreuses pages sur leur propre histoire. C'est une chaine a laquelle un nouveau maillon se rattache a chaque instant, comme des sources devenant de grandes rivieres. Tout de suite apres que le livre soit sorti, j'etais heureux mais sous le choc. L'ecrire et le dessiner m'a pris presqu'un an, le double de ce que j'avais prevu. Apres coup cela m'a fait du bien, comme une therapie personnelle".

 

Traduit de l'hebreu par David Goldstein pour Haabir-haisraeli.

Tag(s) : #Culture
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