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Je suis entre dans la yeshiva d'un groupe toranique : "Je suis orphelin, pourriez-vous m'aider a completer le miniane pour le Kaddish ? " "Non", m'a repondu le responsable de la yeshiva. Dans un pub, j'ai reussi a enroler une quantite importante de jeunes pour le miniane, ils se sont couverts la tete avec des serviettes en papier et avec leur mains. Il faut faire boire un peu les gens des yeshivot et leurs rabbins. Lehaim !

 

Shivi Froman 

 


Je suis orphelin. Mon pere etait le rabbin Menahem Froman z"l, qui est decede il y a 100 jours.

 

Il y a trois moments doux et magiques dans la journee, et ils sont profondement ancres en moi a travers l'experience de mon deuil. Ce sont les moments ou je recite le Kaddish pour mon pere. Trente secondes de doux souvenir, la reconnaissance de ma situation, un peu d'interet de la part du monde, et une autre sensation qu'il est impossible de decrire avec des mots.

 

Je dois reconnaitre que ma vie quotidienne est interessante - mais tout - est dedie a ces moments la :

לְעֵלָּא מִן כָּל וְשִׁירָתָא תֻּשְׁבְּחָתָא וְנֶחֱמָתָא

 

Le rav Menahem Froman z"l

 

Quand mon pere nous representait dans le monde, il disait comme un bon polonais : "Faites connaissance, c'est Shivi mon fils, mon Kaddish". C'est Shivi qui me fera revivre apres la recitation du Kaddish qui sera recite pour moi.

 

Je suis pret a mourir pour ce Kaddish-la, pas pour le Kaddish qui sera recite pour moi (si je reussi a voir un garcon apres avoir eu trois filles...), mais pour celui pour mon pere. Chaque jour, je retourne le monde pour denicher dix juifs, trois fois par jour, pour un Kaddish.

 

Le responsable de la yeshiva m'a dit : reviens demain a six heures

 

Et ce qui devait arriver arriva : pour de bonnes raisons, je le promets, je me suis reveille un matin a dix heures dans le centre du pays, et je suis sorti chercher dix juifs pour le Kaddish. Au cours de mon periple, je me suis retrouve face a un veritable tresor pour orphelin : une yeshiva appartenant a un groupe toranique de la region du centre. Une maison d'etudes pleine de jeunes tsadikim tout frais, assis en se balancant, et plonges dans leurs etudes.

 

J'ai ete les voir pour leur demander de m'aider a reunir un miniane. A l'interieur, ils furent surpris de ma drole de demande, ils m'ont repondu avec respect de demander l'autorisation du responsable de la yeshiva. Je me suis adresse a lui avec respect et condescendance, au 'Kotel oriental' de la maison d'etudes, lieu ou les rabbins de la yeshiva au visage grave sont assis, et occupes a des choses d'importance superieure.

 

"Shalom, je suis orphelin, pourriez-vous m'aider a reunir un miniane pour le Kaddish ?", leur ai-je demande.

 

Moment de silence.

 

Le responsable de la yeshiva, avec un sourire princier sur le visage, a pointe son regard sur moi et a tire : "Non !" Alors que ses amis, l'air grave, me regardaient severement comme une tache impure faisant irruption en plein examen de mathematiques. "Reviens demain a six heures", decida le rav.

 

"Mais je suis orphelin", me suis-je mis a begayer, "je dois reciter le Kaddish pour mon pere aujourd'hui, ce matin, et il est deja dix heures", ai-je insiste. Le responsable de la yeshiva n'a pas renonce : "alors viens a Minha, a trois heures".

 

"A trois heures c'est un autre Kaddish", lui ai-je explique. "Je dois reciter le Kaddish du matin, je dois le faire trois fois par jour".

 

Un "Non" sec et ferme mis fin a cette discussion, et me raccompagna en dehors de cette yeshiva.

 

Les amis de la yeshiva, la lumiere d'alerte clignote

 

Et ca a ete vraiment comme ca. Ce n'etait pas une quelconque communaute d'un mouvement de jeunesse, occupee avec la moralite a tirer de dizaines de versets des prophetes face a une situation de ce genre. 

 

הרב שיבי פרומן בהלוויית אביו (צילום: אוהד צויגנברג)

Shivi Froman a l'enterrement de son pere

 

Apres reflexion, sur la possibilite que peut-etre que j'etais coupable d'etre arrive comme ca chez toi, en plein milieu de ton cours, avec ma vie, je dois te dire kvod harav, mon frere : tu as loupe, carrement. Tu as loupe une occasion extraordinaire de rendre heureux tes superieurs et tes inferieurs grace a quelques instants de devouement pour un homme disparu et brise. Trente secondes, c'est tout, et tu montrais a tes eleves que l'homme qui se tue dans la tente de la Torah, n'est pas vraiment mort avec elle, qu'il y a de la vie entre ces livres, et qu'il y a un homme derriere eux qui apprend.

 

Oups, pardon a vous du groupe toranique. En fait c'est pour ca vous etes venus ici, non ? Vous enrolez surement des etudiants autour de vous. Vous engrengez aussi surement de l'argent pour l'integration de la population alentour, y compris ceux qui me ressemblent. Sur un plan personnel, je le reconnais et j'abdique. Mais d'un point de vue social et humain il y a une lumiere d'alarme qui clignote.

 

Le miniane des voisins du pub

 

Deux jours avant, apres une visite dans un hopital aupres d'un autre rav, mon boss, le ministre de l'education Shai Piron. C'etait tard dans la nuit. Tout le monde etait deja parti dormir, et il n'y avait que moi qui cherchait apres un miniane.

 

Qu'est ce que fait un juif dans le centre du pays, en pleine nuit, quand il a besoin de reciter le Kaddish ? Il entre dans un pub connu. En une minute, il s'organise, en demandant, il reussi a reunir un miniane de luxe compose de jeunes qui se couvrent la tete de serviettes ou d'appareils portable. "יתגדל ויתקדש שמא רבא. אשכרה, התגדל והתקדש והתקדש" 

 

Ou est ma synagogue ? Dans le monde des pubs ou dans le monde des yeshivot ? Il est venu le temps de donner un peu a boire aux garcons des yeshivot et a leurs rabbins, pour qu'ils soient moins serieux, plus souples,  plus sensibles et humains.

 

Il faut faire boire tout le monde, vite, parce qu'il y a des signes de regression dans le public religieux, des signes clairs de fixation des yeshivot qui sont deconnectees de la realite que nous vivons, et de laquelle ils sont proteges. Parce qu'il y a des paroles trop seches et trop cinglantes prononcees trop fierement au grand public. Tellement seches et cinglantes que leur extremite poignarde et blesse parfois ; Tellement blessantes, que parfois personne n'y trouve sa place.

 

Lehaim, lehaim.

 

Traduit de l'hebreu par David Goldstein pour Haabir-haisraeli.

Tag(s) : #Coup de gueule
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